Le bâtiment fantôme Chinagora
Nous relayons ici un article paru jeudi 22 janvier 2009 sur le site lecourant.info
http://www.lecourant.info/spip.php?article1888 Extrait :
« Insolite. Immense projet franco-chinois inauguré voilà 15 ans près de Paris, à Alfortville, Chinagora n’a jamais trouvé son public. De sa lente agonie, il ne reste qu’un grand hôtel désert et poussiéreux où règne une ambiance surréaliste. Balade en mots, en images et en son dans cet univers unique.
Une gigantesque épave de béton échouée entre un stade de foot et une usine. C’est la première impression que laisse Chinagora quand on y arrive par la Seine, à bord du petit Voguéo. Imaginé comme le « premier centre d’échanges économiques et technologiques franco-chinois », c’est une immense coquille vide aux allures de décor hollywoodien. Seul un hôtel fantôme reste ouvert. (…)
Silence glacial et odeur de tabac froid De larges colonnes dorées laissent apparaître la réception. Pas moins de huit employés sont regroupés derrière le comptoir. Ils semblent trop absorbés par leur galette des rois pour prêter la moindre attention aux clients, pourtant rares. « Il y en a environ 60 aujourd’hui », explique Hervé, réceptionniste depuis 10 ans. Les longs couloirs vides et silencieux se ressemblent. Au huitième étage, il ouvre laborieusement la porte de l’une des 191 chambres. Elle est propre, mais la moquette est trouée et une odeur de tabac imprègne les murs. « Aujourd’hui, la plupart de nos clients sont les pilotes et les hôtesses d’Air China », explique-t-il, l’air un peu désolé. Le taux d’occupation est tellement bas que pour deux nuits consécutives en semaine, un rabais 40% est offert d’office.
Depuis longtemps, la maison du thé, installée au cœur du jardin, est fermée. Pour boire une infusion, il faut ressusciter le bar de la réception qui semble ne pas avoir servi depuis des années. Finalement, Hervé trouve un sachet de thé vert de mauvaise qualité. La salle est surchauffée. Les lampes, dont la moitié manquent d’ampoules, sont fixées dans un plafond noirci par le temps et qui garde les stigmates d’un dégât des eaux mal réparé. (…) Les plantes qui ne sont pas en plastique sont souvent mortes et leurs pots servent de cendriers.
Des lapins mais pas un chat Le jardin est fermé au public. « Les ponts risquent de s’effondrer », explique M. Wang, le concierge. Parfaitement coiffé dans son costume taillé à quatre épingles, il accepte d’ouvrir une chambre qui offre une vue sur ce que fut le bijou de Chinagora. « Non, les bassins ne fonctionnent plus depuis longtemps », avoue-t-il, un peu nostalgique. La glace a figé les fontaines et la neige, restée vierge, témoigne de la tranquillité du lieu. Il y a encore quelques mois, une colonie de lapins, plusieurs dizaines, y avait élu domicile. Depuis qu’ils s’en sont débarrassés, plus rien ne vient troubler la lente agonie du jardin des neuf dragons.
(…) Le débarcadère où s’arrimaient les navettes pour Paris semble plongé dans un sommeil éternel. Au premier étage d’un petit escalier qui y mène, un sans abris dort à même le sol entouré de débris de verre et de quelques sacs plastiques. A ses côtés, comme la trace d’un passé plus glorieux, un cerf-volant chinois déchiré est venu se coincer dans la balustrade.
A SAVOIR : Un projet fastueux. Le groupe chinois Guangdong Entreprises Limited a investi 685 millions de francs (104 millions d’euros) pendant les années 1980 dans la construction de Chinagora. Les cinq bâtiments, inaugurés en 1992, sont l’oeuvre d’un célèbre architecte cantonais, Liang Kunhao, qui s’est inspiré de la cité interdite. A son heure de gloire, ces 44 000 m2 abritaient une galerie commerciale, un palais des expositions, trois restaurants panoramiques et un hôtel trois étoiles. On y organisait toutes sortes d’événements : de la prestigieuse exposition au karaoké, des parades de bateaux traditionnels aux dîners à thème, des soirées dansantes aux rencontres d’affaire. Mais dès le départ, le public a boudé Chinagora. Les expositions s’arrêtent en 1996. Les boutiques baissent le rideau un an après. En 2003, le groupe chinois Nouveau Monde reprend les rênes, sans parvenir à freiner le déclin. Aujourd’hui, seul l’hôtel fonctionne encore. Il accueille quelques réunions d’entreprises, mais plus aucun mariage n’est organisé et le karaoké prend la poussière depuis 2006. »
Note de la Rédaction : notre Mairie pourrait-elle intervenir pour trouver une solution à cet abandon qui nuit à l’image d’Alfortville ?